Les Deux font la paire (Jean-François Alfred BAYARD - Charles VARIN)

Comédie-vaudeville en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 30 juin 1832.

 

Personnages

 

JAPONNEAU, marchand de porcelaines

DUBUISSON, marchand de cannes

SUZANNE, sa femme

ACHILLE, son fils

AMÉDÉE, son commis

MONSIEUR DURAND

PORTEURS

VOISINS

 

La scène se passe à Paris, chez Dubuisson.

 

Le Théâtre représente une arrière-boutique. Portes au fond, conduisant à la boutique ; une à gauche, conduisant à la chambre à coucher ; une à droite, conduisant à une allée qui donne sur la rue. Un bureau à gauche ; à droite, une table, des chaises, etc.

 

 

Scène première

 

SUZANNE, DUBUISSON, ACHILLE

 

Au lever du rideau, ils sont assis tous trois à table, ils déjeunent.

DUBUISSON.

Que c’est gentil, de déjeuner comme ça en famille... entre sa femme et son fils... ce gamin-là.

ACHILLE.

Tiens, ce gamin !...

SUZANNE.

Il est si gentil !...

DUBUISSON.

C’est vrai qu’il est séduisant. Je ne peux pas le renier celui-là... séduisant et malin... absolument comme moi. Ce n’est pas comme son frère Gustave... il est laid... Dieu ! l’est-il laid !

Air : Ses yeux disaient tout le contraire.

Il ne me r’ssemble pas autant
Il n’a pas cett’ min’ si gentill’ ;
Il a les yeux noirs, et pourtant
Personn’ n’en a dans la famille.
Je ne puis m’expliquer cela,
Vraiment la chose n’est pas claire...
Et quand il m’appelle papa,
Ses yeux disent tout le contraire !

SUZANNE.

Comment, Monsieur, qu’est ce que ça signifie ?

DUBUISSON.

Ne te fâche pas... c’est une plaisanterie, une simple plaisanterie... j’aime mes deux fils, idem, et toi de même. Je suis si heureux dans ma famille ! jamais de querelle jamais un mot plus haut l’on que l’autre...

Donnant une tape à Achille.

Ah ! ça, polisson, voulez-vous finir !... Cette idée !... me donner des coups de pieds dans les jambes...

ACHILLE.

Tiens, je n’ai pas fait exprès.

DUBUISSON, continuant.

C’est une félicité parfaite !...

Ils se lèvent tous.

Ah ! ce n’est pas comme chez nos voisins, ce pauvre Japonneau le marchand de porcelaines, toujours à se disputer avec sa femme... et dès qu’il sort dans la rue, tous les enfants du quartier lui font les cornes.

ACHILLE.

C’est vrai ; moi tout le premier.

DUBUISSON.

Achille, vous avez tort... c’est l’ami de votre père... et je vous défends de faire les cornes à l’amitié.

SUZANNE.

Bah ! laissez donc... moi, je n’aime pas les Japonneau. Le mari est un jaloux et la femme une coquette.

DUBUISSON.

C’est vrai... mais elle est furieusement aimable !...

Mouvement de Susanne.

Oh ! pas autant que toi... tu es si jolie dans ton comptoir, entourée de cannes et de parapluies !... Aussi, c’est chez moi que tous nos jeunes élégants viennent acheter leurs bambous... et il y a des moments où je sens là une jalousie...

SUZANNE.

Tiens, par exemple...

DUBUISSON.

Eh bien ! non, madame Dubuisson... non, je ne suis point jaloux.

Il l’embrasse.

ACHILLE.

Tiens !... M. Japonneau...

Il sort un instant après que M. Japonneau est entré.

 

 

Scène II

 

SUZANNNE, JAPONNEAU, DUBUISSON

 

JAPONNEAU, entrant vivement.

Bonjour, mes amis ! mes excellents voisins !... Vite un verre d’eau, s’il vous plaît, un verre d’eau !

DUBUISSON.

Avec un peu de vin ?

JAPONNEAU.

Non, de l’eau, de l’eau pure... J’étouffe !...

Dubuisson lui verse de l’eau.

SUZANNE.

Qu’avez-vous donc ?... Vous avez couru ?

JAPONNEAU.

Du tout... Je sors de chez moi, la porte à côté... Mais je viens... je viens d’avoir une scène affreuse avec ma dame Japonneau !

DUBUISSON.

Déjà une scène !... avant déjeuné ?

JAPONNEAU.

Au contraire, c’est que j’ai déjeuné ; et malheureusement ça ne passe pas.

Tendant son verre.

Encore un !

DUBUISSON, prenant le verre.

Ah ça ! vous avez donc toujours des scènes, chez vous ?

JAPONNEAU.

Toujours !... Que voulez-vous, j’ai des soupçons ! de graves soupçons !... Mon épouse est si légère ; et vous savez qu’avec ça, je suis vif, emporté... ma colère est terrible !... Mais d’un autre côté, je suis marchand de porcelaines, voilà ce quine retient... Vous concevez l’influence du casuel sur les passions domestiques !... C’est surtout dans mon commerce que les éclats sont dangereux... C’est facile à comprendre : J’entame le dialogue par un pot à l’eau, elle me répond par une cuvette ; je réplique par une théière, elle riposte avec un sucrier... Les tasses, les soucoupes, tout ça vole en même temps !

DUBUISSON.

C’est une conversation de cabaret.

JAPONNEAU.

Ça revient fort cher... Aussi toutes les fois que la fureur me transporte, je jette un regard sur ma boutique... et plein de défiance dans la fragilité humaine, je sors, et je bois un verre d’eau... Donne.

Dubuisson lut redonne le verre.

À votre santé !

Il boit.

DUBUISSON.

Je conçois ta position, elle est fort ambigüe... Le fait est que dans mon état, tu aurais plus d’agrément... parce qu’il n’y a rien comme un bon rotin.

SUZANNE.

Comment, Monsieur ?

DUBUISSON.

Oh ! ce n’est pas pour toi que je dis ça !

SUZANNE.

À la bonne heure !... Laisse la jalousie à M. Japonneau, c’est son caractère.

JAPONNEAU.

C’est possible !... Je suis jaloux, et j’ai des raisons pour cela, de fortes raisons.

DUBUISSON.

Comment ! est-ce que tu es sûr ?

JAPONNEAU.

Oui !

DUBUISSON.

Ah ! tant mieux !

JAPONNEAU.

Hein !

DUBUISSON.

C’est-à-dire, tant mieux... parce qu’il n’y a rien de tel que le doute ; et au moins, quand on sait à quoi s’en tenir, c’est une consolation.

JAPONNEAU.

Elle est jolie.

SUZANNE, avec émotion.

Et savez-vous ? vous doutez-vous ?... Enfin sûr qui s’arrêtent vos soupçons ?

JAPONNEAU.

Je ne sais pas précisément... j’hésite... je flotte... Mais d’abord, je chasserai mon commis !

SUZANNE.

Votre commis !...

À part.

Ah ! je respire.

DUBUISSON.

Comment ! ce petit rouge... Tandis que toi, un beau blond ; car tu es un bel homme, toi, sans que ça paraisse. Mon Dieu ! que la femme est bizarre !

JAPONNEAU.

Vous êtes heureux, vous... j’envie votre sort... Quand je vois une femme comme Suzanne... on ménage si tranquille... si bien uni... Ah ça ! comment as-tu donc fait pour jouir de cette félicité... indéfinissable ?

DUBUISSON.

Moi ?... C’est bien facile !

Suzanne va au bureau, et y écrit.

Air : Voilà huit ans, etc. (Léocadie.)

À ma femme, en amant fidèle,
Je consacre tous mes instants :
Du matin au soir j’ai pour elle
Les procédés les plus galants,
Sans compter le reste du temps !
Par l’exactitude je brille ;
Car tous les ans, mari parfait,
Je vois s’augmenter ma famille...  }
Et voilà, voilà tout ce que j’ai fait.   }
(bis.)

JAPONNEAU.

C’est dans mon genre... c’est-à-dire, moi, c’est mieux encore !

Même air.

Entre ma femme et ma boutique,
Toujours tendre comme un pigeon,
Tout le jour je sers la pratique,
Toute la nuit sous l’édredon
Je ronfle... en bonnet de colon.
Chez moi, loin de parler en maître,
Bien souvent j’attrape un soufflet ;
Mes enfants sont encore à naître... }
Et voilà, voilà tout ce que j’ai fait.     }
(bis.)

Eh bien ! mon cher, malgré ces procédés ingénieux... tu comprends... Enfin, je suis possédé da démon de la jalousie, et si jamais je connais celui qui... ou ceux qui... C’est au point que j’avais des idées de divorce... quand on par lait de la loi... Mais ils l’ont rejetée à cause de la morale... et me voilà condamné à vivre avec madame Japonneau... sauf à me disputer... à me battre... et à être... toujours à cause de la morale. Du moins, on se sépare encore... c’est une petite consolation... et je venais te voir à ce sujet-là... Je voudrais consulter quelqu’un... un homme instruit...

Suzanne revient auprès de Dubuisson.

DUBUISSON.

Tu venais me consulter ?

JAPONNEAU.

Est-il bête !... Non... mais tu pourrais m’indiquer... Connais-tu quelqu’un parmi les avocats ?

DUBUISSON.

Certainement... Je connais le bâtonnier ; c’est moi qui lui fournis des cannes.

JAPONNEAU.

Alors, rends-moi le service de me conduire chez lui.

DUBUISSON.

Comment, tu veux...

JAPONNEAU.

Je t’en prie... Mais je ne voudrais pas sortir par la boutique ; ma femme pourrait être sur la porte, elle m’apercevrait... Je crains qu’elle ne me rappelle... la sirène.

DUBUISSON.

Soit. Sortons par mon allée qui donne dans la petite rue. Viens.

À Suzanne.

Tu permets, ma biche ?

JAPONNEAU.

Tu dis ?

DUBUISSON.

Je dis : ma biche.

SUZANNE.

Avec plaisir, mon ange.

JAPONNEAU.

Sont-ils heureux !... Ce n’est pas l’embarras, la mienne m’appelle son poulet, ce qui n’empêche pas... au contraire.

 

 

Scène III

 

AMÉDÉE, DUBUISSON, JAPONNEAU, SUZANNE, puis ACHILLE

 

AMÉDÉE.

Ah ! bourgeois, vous sortez ?

DUBUISSON, revenant.

Hein !... Mon commis, qu’est-ce que vous voulez ?

AMÉDÉE.

Pardon ; c’est une facture qu’on apporte.

À part, pendant que Dubuisson lit la facture, et regardant Suzanne qui baisse les yeux.

Pas un regard.

DUBUISSON.

Bon, je sais ce que c’est... Une pacotille de bambous, qu’on m’a expédiée avant-hier ; et ces joncs pour les sergents de ville...

À Japonneau.

C’est moi qui les arme, ces beaux hommes.

JAPONNEAU.

Ton commerce ya toujours bien ?

DUBUISSON.

Très bien !... La canne se soutient parfaitement... c’est un meuble si commode, et d’un usage si général.

À Amédée.

Attendez, je vais vous donner ça.

À Japonneau.

Je suis à toi.

Il va à son bureau.

JAPONNEAU.

Ne te gêne pas.

Il va à la table, et mange un biscuit.

ACHILLE, qui est entré sur les derniers mots, s’approche de Suzanne, et lui dit bas.

Maman, voilà une lettre... Tu sais, de ce Monsieur.

SUZANNE, bas, prenant la lettre.

Tais-toi.

Achille pirouette, et va aussi à la table.

AMÉDÉE, qui les a observés.

Achille lui a glissé une lettre avec mystère.

DUBUISSON, revenant à Amédée.

Tenez... Maintenant allez voir à la boutique si j’y suis.

AMÉDÉE, à part, et sans l’écouter.

Elle la met dans son tablier... Qu’est-ce que cela signifie ?

DUBUISSON.

Il ne m’entend pas... C’est fort drôle... Je vous dis d’aller voir à la boutique si...

AMÉDÉE.

J’y vais, bourgeois, j’y vais.

À part.

Il faut absolument que je sache...

Il sort.

 

 

Scène IV

 

DUBUISSON, JAPONNEAU, SUZANNE, ACHILLE

 

DUBUISSON, bas à Suzanne.

Dis donc, il est un peu timbré, mon commis... Et pour un teneur de livres, c’est inquiétant.

SUZANNE, à part.

Ce pauvre jeune homme.

DUBUISSON, à Japonneau.

Viens-tu ?

JAPONNEAU, la bouche pleine.

Me voilà !

DUBUISSON, à Suzanne.

Adieu !

À Japonneau.

Gourmand !

Près de la porte, en envoyant un baiser à Suzanne.

Adieu !

Ils sortent par la petite-porte droite.

 

 

Scène V

 

SUZANNE, ACHILLE

 

SUZANNE, après avoir été regarder à la porte.

Enfin, les voilà partis !... Achille !

ACHILLE.

Maman ?

SUZANNE.

Va dire qu’on habille Gustave, et prends ta casquette ; nous allons partir.

ACHILLE.

Tiens ! où c’ que nous irons donc comme ça ?

SUZANNE.

Tu le sais bien... Chez M. Durand.

ACHILLE.

Ah ! c’est embêtant.

SUZANNE.

C’est la dernière séance... Ah ça ! tu n’en as parlé à personne ?

ACHILLE.

Tiens... puisque c’est une surprise.

SUZANNE.

Et si ton père t’interrogeait, s’il te disait : Achille, où es-tu allé aujourd’hui, avec ta maman ?

ACHILLE.

Je répondrais : Papa, je suis t’allé chez un peintre.

SUZANNE.

Hein ?

ACHILLE.

Non, non, ce n’est pas ça... Papa, j’ai c’été chez ma tante... Va, sois tranquille, je lui ferai des gosses ; surtout si ta m’achètes un gâteau. J’ai encore faim.

SUZANNE.

Ta viens de manger.

ACHILLE.

Non, maman.

SUZANNE.

Et ces moustaches de confitures ?

ACHILLE.

Ah ! il y en a encore.

SUZANNE.

Fi ! que c’est vilain de mentir... Ainsi, c’est convenu ; à notre retour, tu cacheras bien la vérité à ton papa... Embrasse-moi, et souviens-toi bien que le mensonge est le plus affreux de tous les vices ! Allons, va, dépêche-toi...

ACHILLE.

Oui, maman !

Il sort par le cabinet.

 

 

Scène VI

 

SUZANNE, puis AMÉDÉE

 

SUZANNE, seule.

Je n’ai pas un instant à perdre... Ah ! la lettre, j’oubliais...

Elle prend la lettre dans son tablier.

Je suis sûre qu’il me fait des reproches.

AMÉDÉE, entrant.

Le bourgeois est sorti, profitons de la circonstance.

SUZANNE.

Juste !... Je m’y attendais.

AMÉDÉE, à part.

Elle lit le billet !

SUZANNE, lisant.

« Je compte sur vous aujourd’hui, avant deux heures... Amenez... »

Apercevant Amédée.

Ah ! mon dieu ! Amédée !

Elle remet le billet dans son tablier.

AMÉDÉE.

Je le vois, Madame... je suis importun... Et cette lettre, dont j’interromps la lecture...

SUZANNE.

Oh ! ce n’est rien... Un mémoire... un chiffon de papier.

AMÉDÉE.

Qu’on vous a remis cacheté ?

SUZANNE.

Mais vous êtes bien inquisitorial, mon cher... et je ne sais pas s’il vous est permis...

AMÉDÉE.

Oui, Madame... oui, il m’est permis d’être inquiet, soupçonneux, jaloux !

SUZANNE.

Jaloux ?... et pourquoi ?

AMÉDÉE.

Pourquoi ?... Eh ! ne le savez-vous pas ?... pourquoi ? parce que je vous aime... parce que cet amour vous le connaissez... vous l’avez encourage !

SUZANNE.

J’en conviens, vos soupirs, votre air malheureux, les belles phrases que vous me faisiez, tout cela m’avait séduite, je ne le cache pas ; et si vous m’eussiez aimée, là en conscience... Mais je m’aperçus bientôt que chez vous c’était une habitude sans conséquence... Vous vous croyez obligé de faire la cour à toutes femmes...

AMÉDÉE.

Moi !... Oh ! si l’on peut dire...

SUZANNE.

Oui, Monsieur, oui.

AMÉDÉE.

Air : C’est des bêtis’s d’aimer comme ça.

À vos voisin’s si je m’adresse,
C’est qu’ vous m’ traitez avec rigueur ;
Si je leur parle de tendresse,
C’est pour oublier ma douleur ;
Mais ell’s ne possèd’nt pas mon cœur.
Vainement, je cherche à leur plaire,
Jamais aucun d’ell’s ne saura
Calmer l’ tourment que je sens là...
Je n’ les aim’ que pour me distraire,
Voulez-vous être aimée comm’ ça !

SUZANNE.

Et vous me direz peut-être que madame Japonneau...

AMÉDÉE.

La femme du voisin ?

SUZANNE.

Oui, Monsieur, c’est une coquette !

Même air.

Avec ell’ vous êtes aimable,
Vous prenez un ton familier,
Enfin vous faites l’agréable
Chez tout’s les voisin’s du quartier ;
Moi seul’, vous semblez m’oublier.
Mais quoique vous sachiez leur plaire,
Plusieurs vous ont trompé déjà ;
Et quand ces dam’s vous plantent là,
Vous m’ fait’s la cour pour vous distraire,
Je n’ veux pas être aimée comm’ ça !

AMÉDÉE.

Quand je vous dis que je ne l’aime pas... que je ne l’ai jamais aimée.

SUZANNE.

Il serait possible ! Madame Japonneau...

 

 

Scène VII

 

SUZANNE, ACHILLE, accourant, AMÉDÉE

 

ACHILLE.

Maman, maman, nous sommes prêts !... Ah ! c’est toi, Amédée... Madame Japonneau te fait prier de lui reporter son ombrelle, comme tu l’a promis.

AMÉDÉE.

Veux-tu te taire.

SUZANNE.

Ah ! vous avez promis...

AMÉDÉE.

Je vous assure...

SUZANNE.

Cela suffit. Venez, Achille, partons !

AMÉDÉE, à mi-voix.

Mais la bourgeoise...

SUZANNE.

Laissez-moi !

Elle ôte son tablier et le jette sur une chaise auprès de la table.

ACHILLE.

Dis donc, il paraît que c’est pressé son ombrelle.

AMÉDÉE.

C’est bien, gamin.

ACHILLE.

Tiens, il a l’air vexé !

Il va à la porte du fond.

SUZANNE.

Air du Siège de Corinthe.

Allons, partons !...

AMÉDÉE.

Tendre et fidèle
Je me justifierai bientôt.

SUZANNE.

Monsieur, portez-lui son ombrelle ;
Vous l’avez promis, il le faut.

AMÉDÉE.

Que dites-vous ?

SUZANNE.

Que je sais vous connaître.

AMÉDÉE.

Écoutez-moi !...

SUZANNE.

Non, je sors à l’instant.

AMÉDÉE.

Dieu ! c’est peut-être
Pour cette lettre...

SUZANNE.

Chez la voisine, allez !... on vous attend.

Ensemble.

SUZANNE.

Allez, Monsieur, allez chez elle,
Car vous êtes de ses amis...
Il faut lui porter son ombrelle,
Puisqu’enfin vous l’avez promis.

AMÉDÉE.

Puisque vous m’êtes infidèle,
Ainsi qu’au meilleur des maris,
Je lui porterai son ombrelle,
Je ferai ce que j’ai promis.

ACHILLE, revenant.

Partons, Gustave nous appelle...
Songe au gâteau qui m’est promis !
Et toi reporte cette ombrelle,
Puisque maman te l’a permis.

Suzanne sort avec Achille.

 

 

Scène VIII

 

AMÉDÉE, seul

 

Comme elle me traite !... quelle froideur !... Mais ce mystère... cette lettre... ce rendez-vous... c’est clair, il y a une intrigue... Au fait, pourquoi ne n’aimerait elle pas ? moi surtout qui l’adore. D’un autre côté, madame Japonneau est charmante... Celle-là, du moins, je puis l’aimer... elle ne s’y oppose pas. Eh bien ! non, madame Japonneau a beau m’inviter à lui reporter son ombrelle... et toujours à l’heure où son mari est sorti... je permets pas le pied chez elle... parce que j’aime l’autre. Cependant si ça continue, si elle me fait des traits... Ah ! c’est bien mal ! nous tromper comme ça... moi, d’abord ; et puis son mari... Brave bomme !

 

 

Scène IX

 

AMÉDÉE, DUBUISSON

 

DUBUISSON, entrant.

Ah ! c’est vous, Amédée... Il n’y a rien de nouveau ?

AMÉDÉE.

Rien, monsieur Dubuisson.

À part.

Une si bonne tête !...

DUBUISSON.

J’ai laissé Japonneau avec son avocat... Quand il entamé le chapitre de ses infortunes conjugales, j’ai toutes les peines du monde à ne pas rire. Il est fort cocasse !

AMÉDÉE.

Oui, ces pauvres maris le sont toujours... et pourtant, il y en a que j’estime beaucoup... vous, monsieur Dubuisson.

DUBUISSON.

Oh ! moi, c’est différent, je suis sûr... Où est ma femme ?

AMÉDÉE.

Elle est sortie.

DUBUISSON.

Sortie... et pourquoi faire ?

AMÉDÉE.

Ah ! c’est ce que je ne puis vous dire... Mais tous les jours, à la même heure, Madame sort d’un air mystérieux, que je ne me permets pas d’interpréter, parce qu’enfin cela vous regarde.

DUBUISSON.

Hem !... Comme il me dit ça, mon commis... Est-ce qu’il aurait des idées ?... Moi, d’abord, je n’en ai pas... je n’en ai jamais.

AMÉDÉE.

Vous me direz que peut-être Madame est allée se promener avec ses enfants... mais on les laisse chez une amie, chez une tante, et alors...

DUBUISSON.

Ah ! ça, mon cher ami, qu’est-ce que vous dites là ?... Vous me donnez des souleurs...

AMÉDÉE.

Pourquoi donc ?... Vous devez être tranquille... vous avez confiance dans votre femme...

DUBUISSON.

Certainement... mais c’est égal.

AMÉDÉE.

Air : Le luth galant.

Douteriez-vous, Monsieur, de sa vertu ?
Craindriez-vous un malheur ?...

DUBUISSON.

Que dis-tu ?...
Ma femme que j’adore avec délicatesse...
J’en conviens sans détours,
Je crois à sa tendresse,
Je crois à mon bonheur, je crois à sa sagesse... 
Mais je tremble toujours !
(bis.)

Et voyons, vous penseriez...

AMÉDÉE.

Oh ! mon dieu, il y aurait des gens assez ridicules pour s’imaginer...

DUBUISSON, à part.

Ce gaillard-là me fait monter des chaleurs à la tête.

AMÉDÉE.

Après ça, c’est l’intérêt que je vous porte ; parce que je vous aime, je vous estime.

DUBUISSON.

Je sais que vous êtes un autre moi-même.

AMÉDÉE, à part.

Pas tout-à-fait, malheureusement.

DUBUISSON.

Plaît-il ?

AMÉDÉE.

Je dis que je vais porter une ombrelle ici près.

À part.

Oui, oui, l’ombrelle à madame Japonneau. C’est fini.

Haut.

Adieu, bourgeois, adieu.

Lui prenant la main.

Vous êtes un bien honnête homme !

Il sort.

 

 

Scène X

 

DUBUISSON, seul

 

Un honnête homme !... un honnête homme !... c’est à-dire... Et pourtant c’est des bêtises... c’est des pares bêtises... Ma femme, madame Dubuisson se permettrait... Allons donc, ça n’a pas le sens commun, c’est stupide... Le fait est qu’elle sort bien souvent... elle est distraite, préoccupée... Et il faut que je sois bien sûr de mes avantages individuels... Elle ne s’est même pas donné le temps de ranger son ménage... Cette table qui n’est pas desservie... et ce tablier sur une chaise.

Il prend le tablier pour le porter ailleurs.

Qu’est-ce que je sens-là, dans cette poche ?...

Il fouille.

Un papier !... Vous verrez que c’est quelque facture qui n’est pas acquittée.

Tirant une lettre.

Tiens, c’est une lettre... Qui diable peut ?... Une écriture d’homme !... de la bâtarde !... c’est singulier... Et l’adresse : « À madame Dubuisson, elle seule. » Ah ! je sens un frisson... Qu’est-ce que je vais apprendre ?...

Il lit.

« Belle dame, vous avez manqué le rendez-vous d’hier... »

S’arrêtant.

Un rendez-vous... Heureusement elle la manqué.

Il lit.

« N’oubliez pas que je compte sur vous, aujourd’hui avant deux heures. »

S’arrêtant.

Dieu ! elle у est.

Il lit.

« Amenez avec vous vos deux enfants... »

S’arrêtant.

Tiens, mes enfants, pourquoi ça... scélérat ?

Il lit.

« Vos deux enfants, surtout le petit Gustave, que je préfère... vous savez pourquoi... sa physionomie flatte mon amour-propre... c’est ce que j’ai fait de mieux. »

À ces derniers mots, il reste comme épuisé, et se laisse tomber sur une chaise ; ensuite se frotte les yeux, et relit.

« Le petit Gustave, ce que j’ai fait de mieux. »

Laissant tomber la lettre.

Je reste anéanti !

Se levant vivement.

Et son nom ! son nom !... Voyons la signature...

Il ramasse la lettre.

impossible de la lire... Le brigand... Il y a an pâté... Eh quoi ! ce petit Gustave que j’aimais comme un imbécile... ce n’est pas Gustave Dubuisson... c’est Gustave... je ne sais qui !... Ah ! je suis furieux... égaré...

Prenant une chaise.

Il me prend des envies de casser.

S’arrêtant.

Non ! comme Japonneau !...

Il se verse un verre d’eau.

Je suis altéré de vengeance !

 

 

Scène XI

 

JAPONNEAU, entrant vivement, court à la table, et se verse aussi un verre d’eau, sans être vu de DUBUISSON

 

DUBUISSON.

Les misérables !...

Il étend le bras qui tient le verre Japonneau tend le sien, et trinque avec Dubuisson, qui l’aperçoit, et lui dit.

Tiens ! c’est toi ?

JAPONNEAU.

À ta santé, voisin !

DUBUISSON.

À la tienne, confrère !

JAPONNEAU.

Hein ? Tu dis...

DUBUISSON.

Je dis : confrère.

JAPONNEAU.

Bah ! tu ne l’est pas.

DUBUISSON.

Si fait !

JAPONNEAU.

Pas possible !

DUBUISSON.

Parole d’honneur !

JAPONNEAU.

Oh ! pas autant que moi.

DUBUISSON.

Ou ne peut pas l’être davantage.

JAPONNEAU.

Allons, tu y mets de l’amour-propre.

DUBUISSON.

Tu le vois... le même régime que toi.

Il boit un verre d’eau.

JAPONNEAU.

Régime de la communauté.

Il boit.

DUBUISSON.

Je finirai par me noyer l’estomac.

Ils quittent la table.

JAPONNEAU.

Tu n’as pas encore l’habitude... Mais qu’est-ce qui aurait jamais cru ?... Moi qui venais te confier mes nouveaux chagrins.

DUBUISSON.

Oh ! tu n’as que des soupçons.

JAPONNEAU.

Mieux que ça... Figure-toi, tout à l’heure, je rentre... je vais à sa chambre... à la chambre de madame Japonneau... Tu sais, au rez-de-chaussée... La porte était fermée... je frappe... rien... j’écoute... j’ai de l’oreille...

DUBUISSON.

Parbleu...

JAPONNEAU.

Et j’entends un adieu bien tendre...

Il baise sa main.

Dans ma fureur, j’enfonce la porte... et je trouve ma femme seule, assise tranquillement, et ramassant une ombrelle... Mais la fenêtre était encore ouverte... il était sorti par là... Ainsi ta vois que je suis sûr...

DUBUISSON.

C’est comme moi... Tiens...

Il lui montre la lettre.

JAPONNEAU.

Une lettre !...

DUBUISSON.

Et une fameuse...

Il lui donne la lettre.

JAPONNEAU, lisant.

« Un rendez-vous... N’oubliez pas... »

DUBUISSON.

Va toujours.

JAPONNEAU.

« C’est ce que j’ai fait de mieux... »

DUBUISSON, tristement.

Hein ! qu’en dis-tu ? 

JAPONNEAU, idem.

Complètement...

DUBUISSON, s’essuyant les yeux.

Ah ! mon ami... quel coup !

JAPONNEAU, idem.

Va, je sais ce que c’est...

DUBUISSON, idem.

C’est fini... je sens là que j’en mourrai.

JAPONNEAU, idem.

Tu n’en mourras pas.

DUBUISSON, idem.

Si fait !

JAPONNEAU, idem.

Eh non ! morbleu ! puisque je me porte bien.

DUBUISSON.

Mais est-ce qu’on peut vivre ainsi ? On doit en perdre le sommeil.

JAPONNEAU.

Oh ! c’est une idée... Je dors aussi bien qu’auparavant... et même mieux... parce que tu conçois...

DUBUISSON.

À la bonne heure... Mais pas d’appétit.

JAPONNEAU.

Au contraire... Je mange deux fois plus... de colère.

DUBUISSON.

Mais dans le monde, dans la rue, dans la boutique, partout on doit rougir de honte, baisser les yeux ?

JAPONNEAU.

Baisser les yeux ! devant qui ?... Tiens, moi, vois-tu... quand je rencontre quelqu’un, je me dis : c’est peut-être un confrère.

Il commence à rire.

DUBUISSON, souriant.

Le fait est que c’est possible.

JAPONNEAU.

Nous sommes très nombreux !

DUBUISSON.

Ça rassure.

JAPONNEAU.

Ça console... Et puis quand je pense qu’il y en a qui sont plus à plaindre que moi...

DUBUISSON.

C’est vrai !

JAPONNEAU, riant.

Par exemple, cette lettre que tu as saisie, c’est ravissant !

DUBUISSON, idem.

Bah !... Et chez toi, ce monsieur qui saute par la fenêtre ; c’est délicieux !

JAPONNEAU.

Ce pauvre Dubuisson !

DUBUISSON.

Cet estimable Japonneau...

JAPONNEAU.

Il y a surtout une phrase étonnante : « C’est ce que j’ai fait de mieux. » Ah ! ah ! ah !

DUBUISSON.

Dis donc... as-tu refermé la fenêtre ? Ah ! ah ! ah !

TOUS DEUX, riant.

Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

JAPONNEAU.

Diable de phrase, va, tu fais mon bonheur.

DUBUISSON.

Diable de voisin, va ! il me fait rire aux larmes !

JAPONNEAU.

Air de l’Écu de six francs.

Mon cher, il faut le reconnaître,
Je courbe le front devant toi...

DUBUISSON.

Pour mon chef de file et mon maître,
Je te reconnais, je le dois.

JAPONNEAU.

C’est toi, mon cher !...

DUBUISSON.

Eh ! non, c’est toi !
Au nombre des plus fortes têtes,
On te comptera dans Paris...

JAPONNEAU.

Dans le régiment des maris, }
Tu porterais les épaulettes ?  }
(bis ensemble.)

Ils rient aux éclats.

JAPONNEAU, se remettant à pleurer.

Ah ! mon dieu ! comment peut-on rire de ma situation ?

DUBUISSON.

C’est ma foi vrai... je suis aussi coupable que toi.

JAPONNEAU.

Je dirai même que tu l’es davantage ! Car moi, do moins, j’ai toujours été un époux fidèle, et ce n’est pas faute d’occasion... tandis que toi, même depuis ton mariage...

DUBUISSON.

Je ne dis pas... c’est possible... j’ai eu des succès... j’ai cueilli des myrtes... mais ça n’autorise pas l’inconduite d’une épouse... et quand j’y pense... ça me donne des accès de rage !...

 

 

Scène XII

 

JAPONNEAU, ACHILLE, DUBUISSON

 

ACHILLE, mangeant un gâteau.

Papa ! papa !...

DUBUISSON.

Ah !

JAPONNEAU.

Ton fils !...

DUBUISSON.

Mon fils !... oui, oui... celui-là, je ne dis pas.

JAPONNEAU.

Et encore...

DUBUISSON.

Achille, approchez... venez embrasser votre père.

ACHILLE, reculant.

Papa...

DUBUISSON.

Approchez donc.

ACHILLE.

C’est que je suis barbouillé de confitures.

DUBUISSON.

Ça n’empêche pas.

JAPONNEAU.

Raison de plus ! j’adore les enfants barbouillés de confitures.

DUBUISSON.

Achille, tu es sorti avec ta mère ?

ACHILLE.

Oui, papa.

DUBUISSON.

Où es-tu allé ?

ACHILLE.

Mon papa...

JAPONNEAU.

Il te demande...

DUBUISSON.

Ah ! mon ami, je t’en prie, laisse parler l’innocence.

À son fils.

Achille, mon enfant, mon amour ! dis-moi où tu es allé, mon petit ange ?... ou je te donne le fouet jusqu’au sang.

ACHILLE, pleurant.

Ah ! c’est que maman m’a donné uu gâteau...

DUBUISSON.

Pour ne rien dire ?...

JAPONNEAU.

Parbleu !... N’est-ce pas, mon petit ami, elle t’a défendu ?...

DUBUISSON.

Japonneau, tu m’agaces les nerfs au dernier point !...

À Achille.

Vous êtes entré chez ta tante, je le sais ?...

ACHILLE.

Non, tu ne le sais pas... puisque c’est chez un Monsieur...

DUBUISSON.

Chez un ?...

JAPONNEAU, s’efforçant d’être sérieux.

Chez un Monsieur, Dubuisson... Il a dit chez un Monsieur...

DUBUISSON.

J’ai entendu, Japonneau... C’est là !...

JAPONNEAU.

Et ce Monsieur... c’est la première fois que tu vas chez lui avec ta maman ?

ACHILLE.

Ah ! ben oui... nous y allons tous les jours... et c’est bien ennuyant.

DUBUISSON, s’essuyant le front.

Je fonds en eau.

JAPONNEAU.

C’est ennuyant pour la maman ?

ACHILLE.

Au contraire.

JAPONNEAU, tâchant de ne pas rire.

Ah ! au contraire !

DUBUISSON, avec fureur.

Japonneau ! Japonneau !... pas un mot de plus !... J’ai la tête en feu !

À son fils.

Achille !...

ACHILLE.

Papa !... Ah ! tu me fais peur !...

DUBUISSON.

Et ce Monsieur... ce monstre... quel est-il ?... je veux le savoir !... Parleras-tu !... Cet homme ?...

ACHILLE.

Dam’ ! tu le verras bien, puisqu’il viendra ce soir.

DUBUISSON.

Ce soir ?

JAPONNEAU.

Il viendra... par la fenêtre ?

ACHILLE.

Non, pas la porte de l’allée.

Il l’indique.

JAPONNEAU, étouffant un éclat de rire.

Par là ?...

DUBUISSON.

Qu’entends-je ! chez moi !...

Voyant Suzanne qui entre par le fond.

C’est elle !...

 

 

Scène XIII

 

ACHILLE, SUZANNE, JAPONNEAU, DUBUISSON

 

SUZANNE.

Eh bien ! Achille, où es-tu donc ?... ton frère t’appelle...

Bas à Achille.

Tu as dit...

ACHILLE, de même.

Rien du tout, maman.

JAPONNEAU, bas à Dubuisson.

Allons, da courage, fais comme les autres.

DUBUISSON, de même.

Sors, emmène cet enfant.

SUZANNE.

Ah ! le voisin !... Qu’est-ce que vous dites de bon ?... Ça va-t-il mieux ?

JAPONNEAU.

Oh ! je ne suis pas le plus malade... mais...

DUBUISSON, bas à Japonneau.

Va-t’en... il faut que j’éclate !

JAPONNEAU, de même.

C’est ça, ferme... en avant la boutique !

SUZANNE.

Voisin...

Elle le prend à part.

Ce soir... à six heures... venez par la porte de l’allée... je compte sur vous.

JAPONNEAU, étonné.

Par la porte... comme l’autre !...

DUBUISSON, avec impatience.

Japonneau !...

Ensemble.

DUBUISSON, à Japonneau.

Air : Que tapag’ effrayant ! (Michel et Christine.) 

Va-t’en donc... je le veux !
Ta présence n’irrite !
Emmène-le bien vite,
Ou j’éclate à vos yeux !

SUZANNE.

Revenez en ces lieux,
Voisin, je vous invite !
Qu’est-ce donc qui l’irrite ?...
Quel courroux dans ses yeux !

JAPONNEAU.

Le mari furieux !
La femme qui m’invite !...
Mais mon aspect l’irrite,
Laissons les seuls tous deux !...

ACHILLE, à Japonneau.

Venez, sortons tous deux !
Emmenez-moi bien vite !
Ma présence l’irrite...
Venez, quittons ces lieux.

Il sort avec Japonneau.

 

 

Scène XIV

 

SUZANNE, DUBUISSON

 

SUZANNE, à part.

Ah ! mon dieu ! comme il a la figure renversée !

DUBUISSON, venant à elle, et la faisant reculer.

Suzanne ! Suzanne ! Suzanne !

SUZANNE, effrayée.

Qu’est-ce donc ?... Qu’as-tu ?

DUBUISSON, violemment.

Suzanne... tu as flétri toutes les roses de mon existence.

SUZANNE.

Ce n’est pas vrai !

DUBUISSON.

Perfide !... tu oses nier !... Tu me prends pour un imbécile !

SUZANNE.

Non !

DUBUISSON.

Si fait ! avoue !... Tu te dis : « C’est un imbécile, un jobard ; il ne sait rien, il ne voit rien... » Et voilà ce qui te trompe ! tout est va ! tout est su !

SUZANNE, à part.

Grand dieu ! il sait qu’Amédée...

Haut.

Dubuisson, tu es jaloux.

DUBUISSON.

Eh bien ! oui, Madame, je suis jaloux !... Il n’y a pas de quoi, peut-être, quand un autre est préféré ?

SUZANNE.

Eh bien ! non, je ne le préfère pas.

DUBUISSON.

Tu ne le... Il y a donc quelqu’un qui t’aime ?

SUZANNE.

C’est possible.

DUBUISSON.

Tu avoues donc enfin ?...

SUZANNE.

Moi ?... j’avoue qu’on peut m’avoir dit... ce n’est pas ma faute... pouvais-je empêcher ?... Mais qui t’a appris ?...

DUBUISSON, portant la main à sa poche.

Ah ! qui m’a appris !... tu veux le savoir... eh bien...

S’arrêtant.

Mais non... tu ne le sauras pas... je suis sur la trace... j’ai des preuves... aujourd’hui... aujourd’hui même je serai venge... il n’échappera pas à ma colère... le scélérat ! l’infâme ! le polisson !...

SUZANNE.

Grand dieu !

DUBUISSON.

Et alors... Toi aussi, je te punirai ; je te rendrai à ton père !

SUZANNE.

Malheureux !... et tes enfants !...

DUBUISSON.

Mes enfants ?... Je n’en ai qu’un, tu le sais bien !

SUZANNE.

Air : Ah ! si Madame me voyait.

Ah ! ce soupçon est odieux !

DUBUISSON.

Crois-moi ; la feinte est inutile !
Enfin, je ne garde qu’Achille,
Car de lui je suis glorieux...
C’est aussi ce que j’ai fait de mieux !
Tu dois ne comprendre, ma chère ;
Je le reconnais celui-là...
Il est mon fils !... je suis son père !...

SUZANNE.

Peut-on s’ fair’ des idé’s comm’ ça !... (bis.)

Comment, Dubuisson, tu oserais douter ?...

DUBUISSON.

Laisse-moi, il faut que je me venge... Et si je le tenais en ce moment...

 

 

Scène XV

 

DUBUISSON, SUZANNE, AMÈDÉE

 

AMÉDÉE, accourant.

Que se passe-t-il donc ?

SUZANNE, s’élançant vers lui.

Ciel !...

DUBUISSON.

Ah ! c’est vous, Amédée... Venez, j’ai besoin d’un ami !

AMÉDÉE.

Monsieur...

SUZANNE.

D’un ami... Et c’est M. Amédée ?

DUBUISSON, lui montrant la porte avec une gravité comique.

Sortez, Suzanne ! sortez !

SUZANNE, les regardant tous deux.

Je n’y suis plus du tout.

Elle sort lentement.

AMÉDÉE, à part.

Il paraît qu’il y a du grabuge dans le ménage... Tant mieux !

 

 

Scène XVI

 

DUBUISSON, AMÉDÉE

 

DUBUISSON.

Enfin elle s’éloigne... Il était temps !

AMÉDÉE.

Une querelle... une dispute... la bourgeoise... Je n’y conçois rien.

DUBUISSON.

Amédée, je puis vous le confier à vous, qui avez tout deviné... Oui, vous m’avez ouvert les yeux... l’opération a été douloureuse, mais enfin, j’y vois clair... Suzanne était sortie... elle me trompait... Je suis trahi.

AMÉDÉE.

Il se pourrait !...

À part.

La perfide !... je l’aurais parié...

Haut.

Et celui qu’elle nous... qu’elle vous préfère, le connaissez-vous ?

DUBUISSON.

Pas encore... Mais on l’attend.

AMÉDÉE.

Ici ?

DUBUISSON.

Oui... il aura l’audace... ce soir, pendant que je ferai une partie de domino, rue de Rohan, au café des Cruches, avec les autres... Il s’introduira par cette allée obscure et solitaire...

AMÉDÉE.

Comment ! il oserait...

DUBUISSON.

Mais moi aussi, je l’attends.

AMÉDÉE.

Du tout, ça me regarde.

DUBUISSON.

Non, c’est vrai.

AMÉDÉE.

C’est moi, vous dis-je ! Il ne mourra que de ma main... Je me mets en embuscade, et quand il viendra...

DUBUISSON.

À la bonne heure ; je vous cède, parce que vous concevez... Le misérable !... un mauvais coup... je sais père de famille.

AMÉDÉE.

C’est juste, vous avez des enfants.

DUBUISSON, lui serrant la main.

Je n’en ai qu’an, Amédée.

AMÉDÉE.

Grand dieu !

DUBUISSON.

Je n’en ai qu’un, le premier... Mais votre générosité mérité une récompense, vous l’aurez... Je vais à la boutique, je choisis parmi mes bambous le plus agréable, je vous en fais présent, à condition que vous le casserez...

AMÉDÉE.

Que je le casserai ?

DUBUISSON.

Air du vaudeville de la Famille du porteur d’eau.

Reçois, en vaillant chevalier,
Un rotin noueux et solide,
Que tu casseras tout entier
Sur le monstre de la perfide !...

AMÉDÉE.

J’accepte, je vous vengerai ;
Car je partage votre honte...

DUBUISSON.

Tu me le jures...

AMÉDÉE.

C’est sacré !...
À tour de bras, je l’ rosserai...
Comme si c’était pour mon compte !
(bis.)

DUBUISSON.

Vous avez compris mon cœur... Attendez-moi, je reviens.

Il passe dans la boutique.

 

 

Scène XVII

 

AMÉDÉE, SUZANNNE

 

AMÉDÉE, seul.

Soyez tranquille.

SUZANNE, entrant doucement.

Je veux pourtant savoir...

Vivement.

Ah ! c’est vous, monsieur Amédée...

AMÉDÉE, avec une fureur concentrée.

Oui, Madame, c’est moi !

SUZANNE.

M’expliquerez-vous, Monsieur,, ce que cela signifie ?... Ces soupçons de mon mari, sa confiance en vous...

AMÉDÉE.

Le bourgeois souffre... le malheur nous a rapprochés.

SUZANNE.

Ô ciel !... vous vous unissez à lui contre moi... vous, Amédée !... Mon mari, je ne dis pas... Mais est-ce à vous de m’accuser ?

AMÉDÉE.

Quoi ! Madame... que voulez-vous dire ?... Celui qui a su vous plaire...

SUZANNE.

Laissez-moi, Monsieur ; les reproches de mon mari, et plus encore les vôtres, m’ont éclairée.

Air : Comme il m’aimait.

Il était temps ! (bis.)

À part.

Je sens la vertu qui chancelle...

Haut.

Il était temps ! (bis.)
Plus de ces discours séduisants !
J’ouvre les yeux... et plus cruelle,
À mon mari je suis fidèle...

À part.

Il était temps !

AMÉDÉE.

Oh ! maintenant, c’est bien différent... si c’est moi...

SUZANNE.

Si c’est vous qui m’avez parlé d’amour... Mon mari doit en être instruit... et il le sera... à moins que vous ne préfériez sortir de cette maison aujourd’hui même, pour n’y rentrer jamais.

AMÉDÉE.

Suzanne !...

SUZANNE.

Je l’exige !

AMÉDÉE.

Ah !... Vous voyez bien, Madame, que j’avais raison... vous ne m’aimez pas, vous ne m’avez jamais aimé...C’est un autre...

 

 

Scène XVIII

 

AMÉDEE, DUBUISSON, tenant un énorme rotin, SUZANNE

 

DUBUISSON, entrant à reculons.

Éloignez-le... cachez-le... je ne veux pas le voir.

SUZANNE.

Quoi !... Gustave ?...

DUBUISSON, froidement.

Ah ! c’est vous, coupable...

Donnant le rotin à Amédée.

Tenez, Amédée... mon ami... et ne le ménagez pas.

AMÉDÉE.

Soyez tranquille... Donnez.

DUBUISSON.

Mettez-vous en embuscade...

AMÉDÉE.

Tout de suite.

SUZANNE.

Mais où va-t-il donc, par là ?

DUBUISSON, arrêtant sa femme.

Madame !...

AMÉDÉE.

Je vais l’attendre.

Il sort par la porte de l’allée.

 

 

Scène XIX

 

ACHILLE, un bouquet à la main, SUZANNE, DUBUISSON

 

SUZANNE.

Dans l’allée !... Mais vous ne savez pas...

DUBUISSON.

Au contraire... nous savons.

ACHILLE, accourant.

Maman, maman, voici le... Ah ! papa !

DUBUISSON.

Quoi ?... Qu’est-ce que c’est, encore ?

ACHILLE, cachant son bouquet.

Rien, mon papa, rien.

Bas à sa mère.

Ils sont entrés par la boutique.

SUZANNE.

Oh ! maintenant ça m’est bien égal.

DUBUISSON, passant entr’eux.

Du mystère !... Explique toi... je veux savoir...

On entend une aubade au-dehors.  L’air : Où peut-on être mieux ? etc.

Hein ? qu’est-ce que j’entends-là ?

ACHILLE.

C’est une aubade qu’on te donne, papa.

DUBUISSON.

Une aubade, à moi... Pourquoi cela ?

SUZANNE.

Eh ! Monsieur, vous le savez bien... puisque c’est l’usage.

DUBUISSON.

Comment c’est l’usage... Est-ce qu’on donne des aubades pour ça ?

ACHILLE.

Et voilà tout le monde qui vient te faire son compliment.

DUBUISSON.

Son compliment... par exemple !

 

 

Scène XX

 

LES MÊMES, VOISINS, VOISINES, MONSIEUR DURAND, au fond

 

CHŒUR, entrant.

Air : Au lever de la mariée (Maçon).

Courons souhaiter la fête      }
À notre voisin surpris...         }
(bis.)
C’est bien la plus forte tête ! }
C’est le meilleur des maris ! }

Un porteur est entré.et a déposé dans le fond, sur une chaise, un tableau représentant deux enfants.

DUBUISSON.

Qu’est-ce que c’est que cette mauvaise plaisanterie ?... Ma fête...

ACHILLE.

Saint Joseph.

SUZANNE.

Eh ! vous le savez bien.

DUBUISSON.

Non, ma parole d’honneur. Et ce tableau ?...

SUZANNE, pleurant.

Ce sont mes enfants, Achille et Gustave... Gustave sur tout ! comme il est bien... Le peintre l’a dit : « C’est ce qu’il a fait de mieux. »

DUBUISSON.

Le peintre !... Tu dis ce qu’il a fait de mieux... Juste la phrase... Ce peintre c’est ?...

SUZANNE.

Monsieur Durand !

Elle montre un vieux homme qui est entré avec le porteur.

Le voilà.

DUBUISSON, hors de lui.

Dieu ! ce vieux laid... Ma femme, encore un mot... Cette lettre que tu as reçue aujourd’hui ?...

SUZANNE.

C’est de lui.

DUBUISSON.

Cette maison où tu es allée ?...

SUZANNE.

C’est la sienne.

DUBUISSON, étouffant.

La sienne !... Ah ! Suzanne, soutiens-moi... j’étouffe ! je me trouve mal...

On lui donne une chaise.

SUZANNE.

Eh bien ! Dubuisson, mon ami, reviens à toi.

ACHILLE.

Mon papa !...

Tout le monde se rapproche.

JAPONNEAU, au dehors.

Aie ! aie ! au secours !...

DUBUISSON.

Qu’est-ce que c’est ?

JAPONNEAU, idem.

Au secours ! au secours !...

ACHILLE.

Dans l’allée...

SUZANNE.

On assomme quelqu’un.

TOUS.

Courons !...

Tout le monde se porte vers l’allée.

 

 

Scène XXI

 

DUBUISSON, ACHILLE, JAPONNEAU, SUZANNE, AMÉDÉE, VOISINS et VOISINES

 

JAPONNEAU, accourant.

Au secours ! au secours !... Le scélérat... il m’a tué.

TOUS.

Japonneau !...

AMÉDÉE.

Comment, voisin, c’était vous !...

DUBUISSON, étouffant de rire.

C’est toi... Ce pauvre ami !

JAPONNEAU.

Va-t’en au diable !... Parce que tu tiens des cannes, tu me fais assommer par ton commis... tu abuses de ta position sociale.

TOUS.

Comment !... Qu’est-ce ce que vous dites là ?

JAPONNEAU.

Oui, mes amis, mes excellents amis... vous voyez une victime !... et c’est Madame qui m’a invité, qui m’a attiré dans le piège !... Moi, je venais sans penser à rien, selon ma coutume... J’entre dans l’allée, qui est noire comme l’âme...

Montrant Amédée.

de ce scélérat !... Je fredonnais un petit air... Tout-à-coup, pan ! on bat la mesure sur mes épaules... Je me retourne... pif ! mon chapeau est enfoncé !... Je me sauve dans l’escalier... mais je sentais toujours un bambou qui me poursuivait... Pif ! paf ! pan ! sur toutes les coutures et dans toutes les dimensions... comme une charge de cavalerie !... C’était ce grand...

Amédée joue avec le rotin.

Pas de bêtises !... À bas les mains !...

Tout le monde éclate de rire.

Mais ça ne finira pas comme ça... il faut que je me venge...

À Dubuisson.

Donne-moi un bambou ! on rotin ! un parapluie !...

TOUS, le retenant.

Allons donc !... Japonneau !...

AMÉDÉE, se mettant en défense.

Laissez-le... s’il veut...

JAPONNEAU.

Alors, donnez-moi un verre d’eau.

DUBUISSON, à Japonneau.

Ah ! je suis désespéré... du quiproquo !... car c’est une erreur... c’était destiné à Monsieur...

Il montre le vieux peintre.

Ça ne doit pas compter.

JAPONNEAU.

Tu es bon enfant...

AMÉDÉE.

Bourgeois, j’ai fait ce que j’ai pa, je ne l’ai pas cassé.

SUZANNE, regardant Amédée et son mari.

Je commence à comprendre les soupçons dont j’étais l’objet.

AMÉDÉE.

Comment ?

DUBUISSON.

Je me trompais, mes amis... ma Suzanne est pure... comme sa patronne... Mes deux enfants... Eh bien ! ce sont mes enfants... n’en parlons plus. Ne songeons qu’à fêter la saint Joseph... Soyons gais... soyons heureux.

JAPONNEAU.

Il est bon là... soyons gais... J’ai le physique tout meurtri !

SUZANNE.

Mon mari a raison... d’autant mieux que ce soir, nous somme tous réunis en famille... au lieu que demain il nous manquera quelqu’un.

DUBUISSON.

Qui donc ?

AMÉDÉE, à part.

Que veut-elle dire ?

SUZANNE.

Monsieur Amédée... il m’a demandé son compte... il nous quitte... la partie des cannes ne lui convient pas...

Bas à Amédée.

Consentez... ou je dis tout.

DUBUISSON.

Ah ! ce cher Amédée !...

JAPONNEAU.

Eh bien ! moi, je n’ai pas de rancune... et si la porcelaine lui convient mieux que les cannes, je lui offre la place de mon commis, que j’ai renvoyé tout à l’heure.

Bas à Dubuisson.

C’est lui, mon cher...

Passant à Amédée.

Et avec Amédée, au moins, je suis sûr de mon fait... À présent, je suis content.

AMÉDÉE.

Monsieur, vous êtes trop bon !...

Regardant Suzanne qui l’observe, et avec dépit.

J’accepte !

SUZANNE, à part.

Le monstre !...

CHŒUR.

Air du Valet de chambre.

Ah ! quel plaisir ! (bis.)
Ma } fête
Sa  }
Au moins sera complète.
Ah ! quel plaisir !
(bis.)
Sans trembler { je puis } en jouir !
                         { il peut }

SUZANNE.

Air : Mon père était pot.

Ah ! les hommes nous trompent tous !
Les maris, je suis franche,
Ont du moins le droit, entre nous,
De prendre une revanche.
Mais les amoureux
Ne valent pas mieux !
Moi qui les crus sincères,
Je vois qu’ici-bas,                    }
Pour tromper, hélas !              }
(bis en chœur.)
Tous les hommes sont frères. }

DUBUISSON.

Des ignorantins, parmi nous,
La coiffure commode,
Pour bien des honnêtes époux
Devraient être de mode.
Les chapeaux cornus
Nous seraient rendus,
Et du moins sans colère,
Sans craindre d’erreurs,
Entr’eux les porteurs
Se diraient : bonjour, frère !

AMÉDÉE.

C’est trop de maux, trop de combats,
Que la paix les efface !
La loi parle... ne mettons pas
La vengeance à sa place !
Parmi les vainqueurs,
Point de délateurs,
Point de cris sanguinaires !
Français, l’arme au bras !
Et n’oubliez pas
Que vous êtes tous frères !

Dubuisson s’avance pour chanter le couplet au public.

JAPONNEAU, l’arrêtant.

Permettez, confrère !...

DUBUISSON.

C’est juste... Passez, mon ancien.

JAPONNEAU, montrant Dubuisson.

Mon voisin l’est... ou le sera.

DUBUISSON, montrant Japonneau.

Il l’est comme bien d’autres !...

Montrant le chœur.

Et bien des gens que je vois... là,
Pourraient ben être des nôtres !

JAPONNEAU, l’interrompant.

Hein ?... Veux-tu bien te taire !... Est-il bête ! il va dire de ces choses-là en face !

DUBUISSON.

Mais...

JAPONNEAU.

Veux-tu !... Profond imbécile, va !... Il faut lui par donner ; ça tient à sa position... La canne a si peu d’usage... Mon cher ami, laisse parler la porcelaine ; je vais tâcher de trouver quelque chose d’agréable et de flatteur !... Ah ! tiens...

Reprenant l’air.

Messieurs, frappez fort,
Mais frappez d’accord,
À l’orchestre, aux premières,
Au cintre, au balcon,
Partout c’est très bon,
Toutes les mains sont frères.

DUBUISSON.

Ça n’est pas ça !... Toutes les mains sont sœurs, et non pas frères... Tu n’es pas fort sur ta langue.

JAPONNEAU.

C’est vrai, tu as raison ; il faut que je cherche autre chose... Ah ! voilà...

Reprenant l’air.

En fait de bravos,
N’ soyez pas manchots,
Un’ main ça n’ suffit guère ;
Mais regardez-nous,
Et souvenez-vous

Donnant la main à Dubuisson.

Que les deux font la paire !

PDF